Comment j'ai écrit mon premier roman après 20 ans d'échec ? 🎇
# 1 : Ou comment le Story Circle de Dan Harmon a sauvé ma vie d'autrice
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Je me suis longtemps interrogée sur la meilleure façon de débuter cette première newsletter — enfin pas si première que ça si on prend en compte ma piètre tentative de 2023 — mais je n’ai pas trouvé. Par conséquent, je vais me contenter de vous souhaiter une très bonne année 2025, en espérant qu’elle vous apportera santé, joie et réussite (oui, je sais, ça manque d’originalité, mais personne ne va me reprocher d’être polie).
Pour la majorité d’entre vous, vous me suivez depuis un moment sur Instagram, pour d’autres, vous me découvrez peut-être. Si vous êtes dans ce dernier cas, un petit tour sur ma présentation vous posera le contexte de ma vie d’autrice.
La seule chose à retenir, c’est que je rêve d’écrire et de faire publier un roman depuis mes 20 ans. J’ai écrit des séries littéraires (publiées), plus en tant que rédactrice qu’autrice (les scénarios n’étant pas de moi), et j’écris tous les jours puisque ça fait partie intégrante de mon travail dans le marketing et le SEO. Mais un roman ? Une histoire tout droit sortie de mon esprit sans passer par qui que ce soit d’autre que moi ? Je n’ai jamais réussi. Ce n’était pas faute d’idées, ça non. Le problème était plus subtil : je ne parvenais pas à organiser lesdites idées et à développer un scénario cohérent avec un début, un milieu et une fin.
Enfin ça, c’était avant. Avant fin 2024.
Mais comment j’ai fait ?
Le déclic a eu lieu en août 2023 quand j’ai découvert cette vidéo de Rachael Stephen sur le Plot Embryo. À cette époque, je venais de terminer une formation de scénariste, et même si elle m’avait beaucoup aidée à comprendre les techniques narratives et autres rouages du storytelling, j’étais toujours bloquée au même stade. Comment faire pour boucler un put*** de scénario ?
J’avais les connaissances, j’avais l’envie, j’avais les idées et je savais écrire, mais il me manquait les outils. Et ce n’était pas peu dire vu que mon cerveau de neuroatypique ne fonctionne pas comme les autres (sinon ce ne serait pas drôle). En bref, je me sentais comme un boulanger sans four à pain.
Vous le savez sans doute, Internet (Instagram et TikTok en tête) regorge de conseils d’écriture et de méthodes soi-disant miracles pour écrire un best-seller en 24 heures (j’exagère à peine). Et désespérée que j’étais, j’ai très souvent donné du crédit à ces contenus et aux discours de certaines personnes qui gravitaient autour de moi. Mais la vérité, c’est que l’écriture est un processus si personnel que les conseils des uns ne fonctionneront pas avec d’autres, que les techniques des uns seront inefficaces avec d’autres, etc. En bref, c’est un joli ramassis de bullshit. Aujourd’hui, j’en suis sûre, écouter tous ces gens m’a fait perdre un temps fou (des années même). Et ça ne vaut pas que pour l’écriture, mais passons.
Le Plot Embryo a donc débarqué de nulle part dans ma vie, et surtout, il a donné ses premiers résultats dès que j’ai compris comment il fonctionnait. Eurêka ! Je tenais la base de mon four à pain.
Kessessé le Plot Embryo ?
Le Plot Embryo est un outil narratif inspiré du voyage du héros de Joseph Campbell. Attention, ce n’est pas le seul nom de cette approche créative. Si c’est l’appellation que Rachael Stephen et d’autres lui donnent, il s’agit ni plus ni moins que du Story Circle créé par Dan Harmon, le scénariste de Community et Rick & Morty. J’alternerai donc entre ces deux termes dans la suite de cette newsletter (et ça m’arrange, parce que je suis une toquée des répétitions).
La méthode se compose de 8 étapes qui forment un cercle narratif complet.
La zone de confort → Le personnage est dans son environnement habituel.
Le désir/besoin → Quelque chose manque ou perturbe cet équilibre.
L'entrée dans une situation inhabituelle → Le personnage quitte sa zone de confort.
L'adaptation → Le personnage s'ajuste aux nouvelles règles et défis.
L'obtention → Le personnage obtient ce qu'il cherchait.
Le prix à payer → Les conséquences de son succès sont implacables.
Le retour → Le personnage revient à un environnement familier ou tout du moins plus normal.
Le changement → Le personnage est transformé par son voyage.
Alors, à ce stade, vous vous dites peut-être que c’est bien beau, mais que si on suit le Plot Embryo, toutes les histoires vont se ressembler ? Que nenni !
Prenons le premier tome de la saga Hunger Games en exemple.
Zone de confort : Katniss vit dans le District 12 et chasse illégalement pour nourrir sa famille. Malgré la pauvreté, elle a ses repères et sa routine.
Désir/Besoin : Sa sœur Prim est tirée au sort pour les Jeux. Katniss a besoin de la protéger à tout prix.
Situation inhabituelle : Elle se porte volontaire et quitte son district pour le Capitole, un monde totalement étranger de luxe et d'artifices.
Adaptation : Katniss doit apprendre les codes du Capitole, gérer sa présentation publique, s'entraîner et former une alliance avec Peeta, l’autre concurrent du District 12.
Obtention : Elle survit dans l'arène grâce à ses compétences de chasseuse et sa capacité d'adaptation, en plus de progressivement gagner le soutien du public.
Prix à payer : Sa survie implique la mort d'autres tributs, notamment Rue. Elle doit aussi jouer le jeu de l'amour avec Peeta et compromettre publiquement son authenticité.
Retour : Elle parvient à gagner les Jeux et retourne au District 12, avec toutes les conséquences de son nouveau statut de gagnante (nouvelle maison, etc.).
Changement : Katniss n'est plus la même. Elle est devenue un symbole de rébellion malgré elle. Sa vision du monde et de sa place dans celui-ci est radicalement transformée.
Ce qui est intéressant avec Hunger Games, c'est que le désir initial est satisfait très rapidement (sauver Prim). L'histoire se transforme donc et évolue vers un nouvel enjeu : la survie personnelle de Katniss et la résistance au système.
Autre exemple de Story Circle avec Breaking Bad :
Zone de Confort : Walter White est un professeur de chimie sous-payé qui mène une vie tranquille mais frustrante avec sa famille.
Désir/Besoin : Diagnostiqué d'un cancer en phase terminale, il veut assurer l'avenir financier de sa famille avant de mourir.
Situation inhabituelle : Il plonge dans le monde de la production de méthamphétamine avec son ancien élève Jesse Pinkman.
Adaptation : Walter apprend les codes du milieu criminel, perfectionne sa méthode de production et développe son alter-ego “Heisenberg”. Il y prend même goût.
Obtention : Il réussit à gagner suffisamment d'argent pour assurer l'avenir de sa famille.
Prix à payer : Son empire de la drogue détruit sa famille, tue ou blesse de nombreuses personnes autour de lui, et révèle à tous sa véritable nature.
Retour : Dans l'épisode final, il revient à Albuquerque pour régler ses dernières affaires.
Changement : Walter réalise qu'il n'a pas fait tout cela pour sa famille, mais pour lui-même, pour se sentir vivant et puissant.
Vous voyez ? Entre Hunger Games et Breaking Bad, il n’y a rien de commun, même pas la moindre petite impression de ressemblance. Pourtant, le pattern fonctionne parfaitement dans les deux cas.
Ce qui rend le Story Circle si efficace, c'est qu'il peut s'appliquer aussi bien à une histoire complète qu'à des sous-intrigues ou à plusieurs personnages distincts. Il met l'accent sur la transformation intérieure des héros plutôt que sur les seuls événements externes. C’est parfait pour que les lecteurs s’identifient aux protagonistes.
Le Story Circle est comparable à la structure d'une maison. Pour un même plan de base, vous obtenez des résultats radicalement différents selon les matériaux, le style architectural et les finitions choisies.
Par exemple, chaque étape du cercle peut être interprétée de façon littérale ou métaphorique. Le “voyage” peut être physique (Le Seigneur des Anneaux), émotionnel (Marriage Story), mental (Inception) ou social (Parasite). De même, le cycle peut se dérouler sur des années (Boyhood), quelques jours (Before Sunrise) ou une seule nuit (After Hours). Et je ne parle pas des variations de ton entre la comédie, le drame, l’horreur, la science-fiction, etc.
À cela s’ajoute le fait qu’un récit peut contenir plusieurs “Story Circles” qui s'entremêlent et se répondent. Prenez The Last of Us. Joel a un arc global sur le deuil et la rédemption, mais chaque épisode contient son propre micro-cercle.
En fait, le Story Circle est plus un outil de compréhension qu'une formule rigide. C'est comme une gamme en musique. Si tous les musiciens l'utilisent, ça ne signifie pas que toutes les chansons se ressemblent. Le Plot Embryo offre un cadre qui permet (paradoxalement) plus de liberté créative, en donnant des points d'ancrage clairs pour expérimenter et innover. Et c’est justement ce qui a tout débloqué chez moi !
L’impact du Story Circle sur ma créativité
Le Story Circle a révolutionné ma façon d'écrire pour 3 raisons.
Premièrement, il m'a permis de résoudre le problème du “et ensuite ?”. Avant, j'écrivais des scènes, des moments clés tels qu’ils se déroulaient dans ma tête, mais je ne savais jamais naturellement quelle scène devait suivre, ni même si ce que j’écrivais avait une quelconque utilité pour l’intrigue. Or, le Story Circle a une logique implacable : chaque étape découle de la précédente. Une fois que j'ai identifié le désir de mon personnage (étape 2), je sais qu'il doit quitter sa zone de confort (étape 3) pour l'obtenir. Cette sortie va nécessairement le confronter à un nouvel environnement auquel il devra s'adapter (étape 4). C'est mécanique, presque mathématique.
Deuxièmement, il m'a aidée à distinguer les scènes essentielles des scènes superflues. Si une scène ne fait pas avancer le personnage dans son cycle ou ses émotions, aussi bien écrite soit-elle, elle ralentit sûrement l'histoire. À l'inverse, si je remarque qu'aucune scène ne montre clairement l'adaptation de mon personnage à son nouvel environnement, je sais qu'il me manque un élément imparable.
Troisièmement, le Story Circle m'a appris à lier le changement final au désir initial. C'était ma plus grande faiblesse. Mes fins (même si c’était rare qu’il y en ait) étaient souvent déconnectées du début. Mais maintenant, je sais que l'état final de mon personnage est une réponse directe à ce qu'il désirait au départ, même si cette dernière est inattendue ou en totale opposition avec ce qu’il avait prévu.
Et puis, je ne peux pas faire l’impasse sur le caractère ludique du Plot Embryo, puisqu’une feuille A4 et un stylo suffisent à tracer les cercles nécessaires pour développer le scénario.
Et la lumière fut sur Fallaenn
Après ma découverte du Plot Embryo, j'ai passé plusieurs semaines mois à creuser le sujet, à chercher des ressources (en anglais, puisqu'il y en a très peu en français) et à regarder des vidéos de Dan Harmon, lui-même, à l'œuvre. J'étais obsédée par ce pattern qui me déclenchait 10 000 idées à la seconde.
J’ai attendu d’être assez en confiance avec cette approche pour prendre le taureau par les cornes et commencer à dresser le Story Circle de mon roman, Fallaenn, en partant de mon héroïne. À ce moment-là, j'avais une idée plutôt floue de ce que je voulais. Certes, il y avait un fil rouge et plusieurs envies de ma part sur les thèmes à aborder, mais tout restait à faire.
Au final, ça m'aura pris à peu près 8 mois pour parvenir à un Story Circle qui me convienne. Bien sûr, ce n’était pas la version définitive (j'ai fait beaucoup de changements par la suite), mais j'avais enfin le plan d’un roman qui tenait la route.
Ce soir de juin 2024, je n'ai pas explosé de joie. Je n'ai pas non plus crié dans toute la maison. J'ai juste pleuré. Pleuré parce que j'étais libérée de ce que j'avais fini par appeler “ma malédiction”, pleuré parce que je savais enfin que j’irais au bout, pleuré parce que celle que j’étais il y a 20 ans n'aurait jamais imaginé la tempête psychologique et émotionnelle que son rêve (en apparence anodin) lui ferait vivre. Parce que oui, ça a été un véritable enfer. Mais je vous en parlerai un autre jour, après vous avoir expliqué comment j’ai développé mon worldbuilding sur la simple base de mon Plot Embryo.
À dans 15 jours ! 🕰️
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Très intéressant. Je suis loin, très looooiiiiiinnnnnn de la création, alors lire ce genre de chose me fascine (et me ravis car ça fait tjs plaisir de voir qqun s'épanouir dans son art) 👏
Quand j’ai commencé à étudié la structure, je me suis fait les dents avec la méthode des 3 actes /27 chapitres de Kat O’Keefe et j’admets que ça m’a beaucoup aidé à comprendre où je bloquais !
J’en ai aussi étudié le Circle Plot, je me suis rendu compte que c’est une méthode que j’utilisais déjà nativement sans le comprendre tant elle est logique et permet une résolution d’intrigue cohérente !
Pour mon prochain roman, je vais essayer de le poser sur papier afin de voir si cela fait la différence !